Connemara de Nicolas Mathieu aux éditions Actes Sud
À Goncourt, Goncourt et demi ? Parce qu’avec Connemara, Nicolas Mathieu frappe fort et que comme on ne peut donner deux Goncourt, on lui en attribuera un demi de plus de notre cru ! Quoiqu’on pourrait lui attribuer un César du meilleur scénario également tant ce roman nous évoque un film social et populaire au bon sens du terme (le cinéma est une des passions du romancier, voir son hommage récent à Bertrand Tavernier lors de son décès, et ça se sent !) Un moment de grâce où la justesse sociologique ne vient jamais heurter le fil d’une narration captivante, mais bien au contraire la renforcer.
Tout est détail dans ce livre, véritables plans séquences se succédant dans une évocation tambour battant des espoirs déçus, des réussites ratées, des adolescences incandescentes, des fracas humains et sociaux, et surtout de la folle épopée du désir et de la rage de vivre, toujours et malgré tout. Comédie romantique, road movie sulfureux, teen movie américain sur ces ados cherchant leur voire entre passion du sport et questionnements amoureux et découverte des corps, portrait intimiste de quadragénaires perdus, fiction sociologique sur le monde du travail (on sent que l’auteur sait de quoi il parle, ses années passées à prendre les notes dans des comités d’entreprise tumultueux où triomphait la novlangue managériale…) les transfuges de classe et la perte de sens d’un capitalisme à bout de souffle. Chacun y trouvera sa lecture, son récit, avec pour seule ligne de conduite de suivre jusqu’au bout la tendresse que l’auteur porte aux protagonistes de son œuvre qu’on aimerait sans fin.